En 2023, près d’une quarantaine de projets portés par des collectivités territoriales ont fait appel aux citoyens pour une partie de leur financement. Une manière de les replacer au cœur des décisions publiques.
Le projet de développement du nouveau réseau de transports de la métropole brestoise, pour lequel à l’automne dernier la collectivité avait sollicité la participation des citoyens par le biais de la plateforme d’investissement Villyz, a suscité un engouement sans précédent : près d’un million d’euros ont été collectés, soit le plus important emprunt citoyen levé par une collectivité territoriale, selon Brest métropole. En l’espace de trois mois et demi seulement, 944 000€ ont été investis dans le projet, dépassant largement le seuil des 500 000€ que la collectivité s’était fixé comme objectif atteignable. « Qu’on ne s’y trompe pas, le financement participatif citoyen sert bien plus qu’à la simple collecte des fonds. Il joue un rôle clé dans la communication sur les projets portés par les collectivités et plus largement sur le dynamisme territorial, affirme Bertrand Desportes, Associé Mazars, groupe indépendant spécialisé dans l’audit, la fiscalité et le conseil et auteur d’une étude sur le financement participatif en France. Plus qu’une simple source financière alternative, ce mode de financement a du sens pour les collectivités car il redonne la parole au citoyen, le plaçant au cœur de la discussion politique. Il joue un rôle pouvant s’apparenter à un levier de démocratie, incarnant concrètement l’idée d’une gestion participative directe des citoyens sur des initiatives clairement définies. » Par ce biais et à partir de l’euro symbolique, Brest métropole souhaitait en effet donner la possibilité à toute personne qui le souhaite, de devenir acteur ou actrice de son territoire en permettant d’épargner là où elle vit. « Les fonds collectés représentent moins de 0,5% du financement du projet de développement du nouveau réseau de transports en commun », ont fait valoir les élus métropolitains qui déjà réfléchissent à de nouveaux projets qui pourraient faire l’objet d’un financement participatif. A travers des plateformes comme Villyz, Collecticity, Lendosphère ou encore KissKissBankBank, 38 projets ont été initiés dans les collectivités françaises en 2023.
Les projets environnementaux privilégiés par les collectivités
Selon le cabinet Mazard, des projets initiés par les collectivités locales sont de plus en plus fréquents pour engager davantage les citoyens dans les initiatives qui concernent leur territoire et ce, dans un contexte de réduction des financements publics. Et souvent, les projets environnementaux sont privilégiés.Récemment, le syndicat Valtom, en charge du traitement des déchets ménagers dans le Puy-de-Dôme et le nord de la Haute-Loire, a lancé une campagne de financement participatif pour le premier projet d’injection de biométhane mixte en Europe, associant les biogaz produits par l’unité de méthanisation du pôle Vernéa et par l’Installation de stockage des déchets non dangereux de Puy-Long, situés à Clermont-Ferrand. Ce financement permettra également aux habitants et aux collectivités de bénéficier directement de la valeur générée par cette production locale de biométhane. Nantes métropole a souhaité elle aussi impliquer les habitants dans le projet d’extension du réseau de chaleur Bellevue Chantenay qui a été lancé sur la plateforme de financement participatif de Lendosphere. Le chantier géré par la société Cléa (filiale de Dalkia) s’étend sur plus de 7 kilomètres et alimentera d’ici 2043 l’équivalent de 14000 logements sur l’ensemble du réseau. « Dans notre objectif d’un territoire à 100 % énergies renouvelables en 2050, les réseaux de chaleur seront déterminants. En bonne logique d’une économie circulaire qui valorise les ressources locales (bois énergie et déchets), ils évitent l’émission de gaz à effet de serre pour desservir de nombreux logements sur la métropole. Les réseaux de chaleur offrent également aux usagers un tarif largement concurrentiel, comparé aux autres énergies, et non soumis aux fluctuations du marché, explique Tristan Riom, vice-président de Nantes Métropole en charge de l’énergie et du climat. À travers le financement participatif, ce sont les citoyens eux-mêmes, raccordés ou non à un réseau, qui peuvent contribuer à cette dynamique et donner une impulsion nouvelle au développement des énergies renouvelables sur la métropole. »
Soutenir des projets territoriaux
Certaines collectivités locales ont adopté le financement participatif pour dynamiser le territoire en soutenant des projets qui y sont initiés mais également pour financer leurs propres initiatives. Ainsi, la Région Nouvelle-Aquitaine a réservé une enveloppe de 400 000 euros à Action pour le développement économique par la finance participative (ADEFIP) sur la période 2023-2025 pour abonder des projets à forte utilité sociale. La Région Normandie n’est pas en reste avec le dispositif #NormandieEnTransition qui s’adresse aux associations et collectivités normandes qui portent un projet relevant de thématiques choisies par la Région. « L’idée est de favoriser l’émergence sur notre territoire d’initiatives en faveur de la préservation de l’environnement, tout en permettant aux Normands de s’impliquer et de soutenir financièrement des projets porteurs de sens. Je suis convaincu que cette initiative va trouver un formidable écho ! » a déclaré Hervé Morin, président de la Région Normandie. Les projets retenus par le Comité de sélection sont soumis au préalable au vote de la commission permanente de la Région Normandie qui valide le principe de cofinancement en cas de réussite du financement participatif. Le principe étant de cofinancer un euro pour un euro de collecte par financement participatif dans la limite de 5 000 €. A titre d’exemple, un projet à 5 000 euros devra obtenir 2 500 euros par financement participatif pour bénéficier de 2 500 euros de cofinancement de la collectivité.“ Avec ce dispositif, nous souhaitons faciliter les projets des citoyens qui veulent agir en faveur de la transition écologique. L’idée est de faire simple et rapide. A partir du moment où les porteurs de projets réunissent un euro, la Région finance un euro” a expliqué Hubert Dejean de la Bâtie, vice-président en charge de la Transition environnementale et énergétique. En complément de la caution apportée par la Région pour leur financement, les projets bénéficieront aussi d’un accompagnement technique et d’une campagne de communication régionale.