Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les défis auxquels les Français font face se sont multipliés. Au-delà des bouleversements sanitaires et économiques, une tendance inquiétante s’est confirmée : la désertification des services essentiels dans de nombreuses régions de France. Les médecins généralistes se font rares, les services administratifs ferment leurs portes, et les commerces de proximité, qui autrefois animaient les centres-villes et les bourgs, disparaissent à un rythme alarmant. Ce phénomène, déjà amorcé depuis plusieurs années, s’est accéléré, laissant certains citoyens avec un sentiment d’abandon et une frustration grandissante face à l’inaccessibilité des services de base.
Si loin de « la ville du quart d’heure »
Le contexte économique et géopolitique post-COVID a amplifié de nombreux défis. La fermeture des frontières, les tensions internationales et les perturbations des chaînes d’approvisionnement ont exacerbé les disparités régionales. Les zones rurales et les petites villes, autrefois dynamiques, sont les premières victimes de ces changements, créant un contraste frappant entre les grandes agglomérations et ces territoires en souffrance. Pour ne citer que cet exemple, la désertification médicale est devenue une crise majeure. L’Association des maires de France (AMF) rapportait fin 2023 une situation dramatique : « En France, 87 % de la population vit dans un désert médical, et 6,7 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, soit 11 % de la population ». Les initiatives locales, telles que les aides financières pour l’installation de jeunes médecins, peinent à compenser cette tendance.
Cependant, les pouvoirs publics, conscients de cette réalité, ont lancé plusieurs initiatives pour inverser la tendance.
Des initiatives pour inverser la désertification
Face à ce constat alarmant, plusieurs programmes nationaux et régionaux ont été mis en place pour revitaliser et rendre plus attractifs les villes moyennes et les bourgs de France. Parmi eux, le programme Action Cœur de Ville se distingue par son ambition et ses résultats. Lancé en 2018, ce programme vise à redonner vie à 222 villes moyennes en y réimplantant des services essentiels, en rénovant les infrastructures et en soutenant le commerce local. À ce jour, ce programme a permis de financer plus de 5 000 projets, allant de la rénovation de centres-villes à la création de nouveaux espaces de vie. Un exemple concret est la ville de Châtellerault, en Nouvelle-Aquitaine, où la réhabilitation du centre-ville a permis de rouvrir plusieurs commerces de proximité, attirant ainsi de nouvelles familles.
Parallèlement, le programme de Reconquête du Commerce Rural a vu le jour pour soutenir les initiatives locales visant à redynamiser les bourgs ruraux. « La mise en place de ce plan répond à une désertification croissante : en 1980, selon les données de l’Insee, 25 % des communes françaises ne disposaient d’aucun commerce. Elles sont aujourd’hui 21 000, soit 62 % des communes françaises, à en être dépourvues ». Ce programme, en lien avec les collectivités locales, vise donc à réimplanter des commerces dans les zones où ils avaient disparu, tout en favorisant l’innovation. En mars 2023, ce programme a financé plus de 300 commerces ruraux, dont des boulangeries, des épiceries et des pharmacies, assurant ainsi un accès aux services de base pour les habitants de ces zones.
Ces initiatives montrent que, malgré les difficultés, une volonté politique forte existe pour contrer la désertification. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en seulement deux ans, ces programmes ont permis de stabiliser, voire d’inverser la tendance dans certaines régions. Mais est-ce suffisant ?
Les Jeux Olympiques : un nouvel élan pour l’économie française et le tourisme local ?
Le formidable succès des Jeux Olympiques 2024 a offert à l’économie française un souffle nouveau, notamment en matière de tourisme. Les régions de France, souvent délaissées par les touristes internationaux au profit de Paris, ont connu une recrudescence de visiteurs grâce aux événements délocalisés et aux campagnes de promotion associées aux JO. Il y a eu « une augmentation de 16 % des nuitées sur l’ensemble des villes hôtes », a tout récemment rappelé Olivia Grégoire, précisant que « La fréquentation des musées et des restaurants ainsi que la consommation dans les bars ont été de plus de 25 % en moyenne à Paris et ont triplé à Saint-Étienne et doublé à Lille ». Des artisans et commerçants locaux, qui n’auraient jamais eu une telle visibilité, ont pu mettre en avant leur savoir-faire, dynamisant ainsi l’économie locale : « Au final, on estime que les retombées économiques seront de 9 milliards sur quinze ans, avec, près de 9 fournisseurs sur 10 qui sont des entreprises françaises, dont 80 % des TPE/PME ».
Ce regain d’intérêt pour les régions françaises, stimulé par les Jeux, doit être capitalisé pour poursuivre la redynamisation des territoires. Les élus locaux, en première ligne pour accueillir de nouvelles familles en quête d’une vie plus qualitative en région, ont besoin de moyens supplémentaires. Il est impératif que l’État continue d’investir dans ces programmes, tout en élargissant leur portée pour inclure davantage de communes. A l’échelle locale, la réimplantation des services du quotidien, administratifs mais aussi bancaires, est soutenue par les élus. A titre d’exemple, ces derniers réimplantent dans leurs communes, des distributeurs de billets dans des zones où l’accès au cash est crucial pour l’ensemble de la population ainsi que pour la survie des commerçants. Ces services de proximité assurent un dynamisme économique local indéniable qui agit sur l’attractivité même des communes bénéficiaires.
Un appel à l’action
Malgré les efforts notables des pouvoirs publics et des élus locaux, le combat pour redynamiser les villes moyennes et bourgs de France est loin d’être gagné. Les Jeux Olympiques ont montré que l’attractivité de nos territoires est une réalité possible, mais pour que cette dynamique se poursuive, il est nécessaire d’accélérer les initiatives déjà en place. Il est temps d’offrir à tous un accès équitable aux services essentiels, afin de rétablir un sentiment de justice territoriale.
Le succès des programmes Action Cœur de Ville et Reconquête du Commerce Rural montre la voie à suivre. Il est maintenant crucial d’amplifier ces efforts pour garantir que chaque commune, chaque habitant, puisse bénéficier des services de base, contribuant ainsi à une France plus solidaire et résiliente mais aussi, plus accueillante.
Michel Tresch, président de Loomis