Organisation du travail, formation, management, communication… La fonction publique territoriale adapte ses pratiques pour attirer dans ses services de nouveaux talents. Le baromètre sur les emplois territoriaux publié mi-septembre par Randstad, leader mondial des ressources humaines, reflète ces changements. Décryptage avec François Moreau, secrétaire général de Randstad.
En 2023, les collectivités déploraient les difficultés à recruter de nouveaux talents. Le dernier baromètre publié par Randstad indique une amélioration dans l’attractivité des emplois territoriaux en 2024. Comment analysez-vous ce changement ?
François Moreau : Alors que 67% des collectivités locales rencontraient des difficultés de recrutement en 2023, nous constatons cette année une amélioration qui peut s’expliquer de plusieurs façons : après la période du Covid, l’économie est repartie rapidement avec des besoins de recrutement dans tous les secteurs de l’économie, créant de fortes tensions. Puis la France a retrouvé son rythme de croisière avant de connaître une période de ralentissement. Cela se ressent au travers des exigences des employeurs et des entreprises qui adoptent une attitude optimiste. Et lorsque la situation économique est florissante, les talents tendent à se tourner vers les entreprises qui leur offrent des perspectives de carrière et de développement. Dans ce contexte, nous constatons un phénomène de rééquilibrage entre l’attractivité du secteur public et du secteur privé, car la fonction publique territoriale a compris l’importance de la marque employeur et de ses leviers de levier d’attraction. Aujourd’hui, les collectivités locales se montrent en mesure de répondre aux attentes des jeunes générations et de proposer une vision moderne de leurs métiers.
Toutefois, la situation reste tendue puisque 58% des collectivités déclarent rencontrer des difficultés à recruter. Quels sont les freins ?
F.M. : Notre société fait face à un phénomène de vieillissement de la population. Concrètement, cela signifie que les nouvelles classes d’âge qui arrivent sur le marché du travail sont moins nombreuses que les précédentes. Nous devrons faire face à une pénurie durable de talents et devrons apprendre à vivre avec dans le secteur public comme dans le secteur privé. La question des rémunérations, plus attractives dans le secteur privé, joue quelquefois encore en défaveur du secteur public. Les employeurs publics ont tout intérêt à mettre en avant d’autres facteurs d’attractivité comme la sécurité de l’emploi, la notion de sens, d’intérêt général ou encore la diversité des missions. Quelle que soit la taille de la collectivité, les champs de compétences sont très variés, c’est une richesse en termes d’expérience. Par ailleurs, les collectivités sont très en pointe sur les grands sujets de transformation et ont cette capacité à conduire des projets pionniers.
Qu’en est-il des aspirations des candidats ?
F.M. : Si le sujet de la rémunération est toujours présent, d’autres aspirations prennent le dessus, notamment servir l’intérêt général et surtout la volonté de trouver un équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle. La flexibilité des horaires et du lieu de travail pèse de plus en plus dans la balance. Encore faut-il pouvoir le faire. Rappelons que 70% des métiers des collectivités locales ne permettent pas de télétravailler. C’est pourquoi certaines d’entre elles proposent aux futurs agents la semaine de quatre jours en journée longue. Enfin la formation est une demande des candidats qui ont compris l’importance de développer leur employabilité en raison des nombreuses transformations de notre société. C’est le meilleur moyen de nourrir une évolution professionnelle.
L’intelligence artificielle a-t-elle un impact sur l’emploi dans les collectivités ?
F.M. : L’intelligence artificielle présente une caractéristique nouvelle par rapport aux autres transitions : c’est un phénomène à la fois puissant et extrêmement rapide. Dans le cas collectif, l’agent pourrait avoir la possibilité de se dévouer des fonctions sur l’utilisation qu’il souhaite en faire et améliorer le service public, en limitant les tâches à faible valeur ajoutée pour l’efficacité des agents publics et en intégrant un certain nombre de métiers territoriaux qui vont être directement impactés par l’IA.
La mise en œuvre de la Protection sociale complémentaire parle-t-elle de renforcer l’attractivité des emplois territoriaux ?
F.M. : Le système de protection sociale complémentaire instauré récemment constitue un formidable facteur d’attraction vers les emplois publics territoriaux. Plus qu’il est important pour une collectivité de garder ses agents dans le système de protection complémentaire. C’est un sujet extrêmement sensible pour les agents et contribue à renforcer leur protection sociale.