Comment lutter contre le trafic de drogue à l’échelle territoriale ? Dans le cadre de la 2e édition de la biennale de la sécurité et de la prévention, un événement organisé à Paris par France urbaine, l’association qui regroupe les grandes villes de France, une table ronde était consacrée au narcotrafic qui progresse en France.
Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de France urbaine l’a dit : « Le narcotrafic est la matrice d’une partie majeure de la délinquance. Il gangrène des quartiers entiers dans les grandes villes et dorénavant aussi dans les villes moyennes et rurales. » Didier Laguerre, maire de Fort-de-France a témoigné de la situation préoccupante dans les Antilles françaises: 75% de la cocaïne saisie sur le territoire français l’est en Martinique et Guadeloupe. Il regrette l’insuffisance des moyens de police d’investigation et de justice pour faire face à ce phénomène.
Si les élus locaux n’ont pas de prérogatives pour lutter directement contre le trafic de drogue, ils sont néanmoins en première ligne pour constater chaque jour l’emprise du trafic sur certains quartiers de leurs villes. Ils agissent chacun à leur manière. « Nous avons mis en place un plan qui associe à la fois le Parquet, les élus locaux, la police municipale mais également des associations qui aident à prendre en charge des hommes et des femmes liés à la drogue en tant que consommateur » a témoigné le maire d’Alençon, Joaquim Pueyo. « Il faut qu’on travaille ensemble sur trois volets : la répression, la prévention et l’éducation de nos jeunes » a avancé David Marti, maire du Creusot, président de la communauté urbaine Creusot-Monceau et coprésident de la commission sécurité de France urbaine. La lutte contre le narcotrafic ne peut s’appréhender sans une approche ambitieuse de la prévention. Anne Vignot, maire de Besançon, estime qu’au niveau de l’Education nationale, il n’y a pas suffisamment de formation des enseignants et des agents de l’administration.
La France est-elle dotée de moyens suffisants pour lutter contre ce fléau ? Les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc, ont pointé dans leur rapport une impuissance collective à l’égard du narcotrafic qui constitue un enjeu de sécurité mais aussi un enjeu de santé publique.
Marie Jauffret-Roustide, sociologue, chargée de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et membre du Conseil scientifique de l’agence européenne des drogues, a cité des exemples de réussite de politiques publiques hors de nos frontières: au Québec la vente du cannabis est organisée par l’Etat et tous les bénéfices vont à la prévention, aux soins et à l’information. Au Portugal, les consommateurs de drogue arrêtés par la police sont orientés vers une commission de dissuasion de la toxicomanie afin de recevoir des propositions de soins. L’Islande a investi d’importants moyens dans le soutien aux associations, aux activités sportives ainsi qu’aux familles et affiche aujourd’hui un des niveaux de consommation de drogue les plus bas d’Europe.
Rappelons que le 4 février 2025, le Sénat adoptait, en première lecture, à l’unanimité, la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic déposée par les sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain. Ce texte est actuellement examiné par l’Assemblée nationale.